Restitution des résultats de deux enquêtes de L’Autre Cercle :
Une enquête quantitative menée par l’Ifop
Une enquête qualitative conduite par L’Autre Cercle
Femme et Lesbienne, la double peine…
Bon nombre des lesbiennes déclarent rester invisibles au travail pour fuir un cumul de discriminations en tant que femmes et lesbiennes et se protéger du sexisme qu’elles subissent au quotidien.
Et quand elles se rendent visibles, les chiffres sont alarmants : plus de la moitié d’entre elles ont déjà subi une discrimination ou une agression lesbophobe en entreprise. Une réalité qui entraine des pensées suicidaires chez 45% des victimes.
Sept ans après le lancement de sa Charte d’Engagement LGBT+ visant à une meilleure inclusion des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT+) au travail, L’Autre Cercle, l’association de référence pour l’inclusion des personnes LGBT+ en milieu professionnel, constate l’absence flagrante de visibilité des lesbiennes dans le monde professionnel.
Dans ce contexte, l’association a lancé le projet VOILAT, Visibilité Ou Invisibilité des Lesbiennes Au Travail. Première étape : la réalisation de deux enquêtes, l’une quantitative menée par l’Ifop[1] et l’autre qualitative conduite par L’Autre Cercle[2].
L’objectif est de dresser un tableau de la situation afin d’en comprendre les raisons et travailler à des pistes d’amélioration. Ce travail donnera lieu à un guide élaboré avec des employeurs engagés, adhérents ou signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ et publié fin 2022 dans la Collection Carrément de L’Autre Cercle.
Dans le monde du travail, rien ne justifie une moindre proportion de femmes lesbiennes et bisexuelles. Pour L’Autre Cercle, il y a une grande urgence d’apporter un éclairage sur le phénomène d’intersectionnalité au cœur duquel elles sont enclavées et contribuer ainsi à changer ce paradigme.
Denis Triay, Président de la Fédération Nationale de L’Autre Cercle
Des facteurs socio-économiques aggravants
Force est ainsi de constater que la lesbophobie est encore plus présente dans certains secteurs d’activité ou catégories professionnelles. Si 53% des femmes lesbiennes ou bisexuelles[1] ont déjà subi une discrimination ou agression au travail, ce pourcentage augmente en effet drastiquement pour celles travaillant dans des secteurs masculinisés, à l’instar de l’industrie (57%) et des transports (58%) ou exerçant une activité isolée, à l’image des artisanes/commerçantes (60%) ou des dirigeantes d’entreprises (68%).
S’ajoutent à ces états de fait les facteurs sociaux. Les femmes issues des catégories populaires sont plus confrontées aux discriminations et agressions. C’est le cas de 59% des ouvrières et 70% de celles dont le niveau d’étude est inférieur au bac. Un résultat qui explose pour les lesbiennes et bisexuelles racisées (73%).
Au-delà des facteurs socio-économiques, l’enquête qualitative révèle que les propos sexistes sont encore considérés comme acceptables, contrairement aux propos racistes. Et plus de la moitié des lesbiennes interrogées disent ne pas vouloir ajouter une discrimination supplémentaire au simple fait d’être une femme. Cette double discrimination rend encore plus difficile la visibilité et génère une autocensure spontanée des femmes concernées.
Longtemps je me suis cachée. Adepte du « pour vivre heureuse, vivons cachée », j’ai pris conscience du poids psychologique de cette posture lorsque je suis devenue visible. Force est de constater que le sexisme au travail reste la discrimination la plus prégnante pour une femme cisgenre blanche.
Sylvie Meisel, Administratrice Nationale et Co-responsable de VOILAT
Une invisibilité subie
La pression exercée dans le monde du travail impacte fortement les femmes lesbiennes et bisexuelles tant sur leur évolution de carrière que sur leur état de santé. Ainsi, plus de quatre lesbiennes ou bisexuelles sur dix déclarent avoir eu des idées suicidaires suite à des discriminations et elles sont 34% à avoir quitté leur emploi pour ces mêmes raisons.
Un contexte propice à cultiver leur invisibilité par peur de subir une double discrimination. Si près de 8 lesbiennes ou bisexuelles sur 10 sont visibles auprès d’au moins un membre de leur entreprise ou organisation publique, seul un tiers d’entre elles est visible de l’intégralité de ses supérieurs.
Un phénomène qui s’accentue selon le profil de chacune. En effet, les bisexuelles sont moins visibles (65%), tout comme les femmes les plus âgées, avec 63% pour les 60 ans et plus, ou encore les femmes racisées (45%).
Selon l’enquête qualitative, cette invisibilité subie s’explique notamment par la peur d’être cataloguée comme la « lesbienne de service » ; les femmes interrogées craignent en effet d’être étiquetées en tant que lesbiennes, plutôt qu’en tant que professionnelles.
Des actions nécessaires
Une invisibilité qui se traduit dans les faits par des renoncements ou des contre-vérités. Ainsi, 41% des lesbiennes et bisexuelles déclarent avoir renoncé à participer à un évènement professionnel où les conjoints étaient invités ou s’être déjà inventées une vie affective hétérosexuelle pour ne pas être visible. Pourtant, parmi les 32% de femmes totalement invisibles de leurs supérieurs hiérarchiques directs, 43% souhaiteraient l’être et 53% de leurs collègues de même niveau hiérarchique.
Ces résultats montrent le chemin qui reste à parcourir. La présence de collègues lesbiennes ou bisexuelles visibles ou encore la garantie d’un environnement favorable à l’expression de son homo/bisexualité pourraient notamment inciter les lesbiennes et bisexuelles non-visibles à le devenir (pour respectivement 61% et 59% d’entre elles).
Marqueur d’une politique volontariste pour un employeur, la place des femmes dans une organisation se heurte, pour les femmes lesbiennes et bisexuelles, à des freins culturels, structurels et conjoncturels. Il y a nécessité à croiser les engagements et les actions pour lever ces freins.
Catherine Tripon, Porte-Parole nationale et Co-responsable du Pôle Employeurs et de VOILAT
À propos de L’Autre Cercle – autrecercle.org
Association créée en 1997, L’Autre Cercle est l’acteur français de référence pour l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. Ses valeurs sont le respect, l’humanisme, l’indépendance, l’engagement et le pragmatisme. Elle œuvre pour un monde professionnel épanouissant, inclusif et respectueux des personnes dans toutes leurs diversités, quelle que soit leur orientation sexuelle ou identité de genre. Outre sa vocation d’observatoire, ses missions sont d’accompagner les organisations et de promouvoir les bonnes pratiques. L’Autre Cercle fédère plus de 180 organisations publiques et privées signataires de la Charte d’Engagement LGBT+ réunissant près de 2 millions de salarié·es et agent·es.
[1] en couple avec une femme
[1] L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 402 femmes lesbiennes ou bisexuelles exerçant une activité professionnelle, extrait d’un échantillon représentatif de 2 431 femmes homosexuelles et bisexuelles âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine. Les interviews ont été menées par questionnaire auto-administré en ligne du 9 novembre 2021 au 25 janvier 2022.
[2] sur la base de 88 entretiens menés entre octobre et décembre 2021